mardi 27 janvier 2015

Projet de loi Macron : avons-nous le choix ?

À la première lecture du projet de loi Macron, on est tenté, comme beaucoup de médias, de déclarer qu’il s’agit d’un projet de loi « fourre-tout » où l’on trouve des sujets très diversifiés : conditions d’examens du code du permis de conduire, réforme des conseils de prud’hommes, fibre optique, déréglementation des professions spécialisées en droit ou en chiffre, conditions de recours aux architectes pour les exploitations agricoles, nouveaux pouvoirs de l’inspecteur du travail, conditions de publicité de l’Euro foot 2016, travail du dimanche et en soirée… et j’en passe !

Beaucoup ont relayé les dispositions particulières aux conditions du travail du dimanche et en soirée (ne pas oublier ce dernier terme !) ou celles relatives à la déréglementation des professions du droit et du chiffre (on a pu voir des avocats, des huissiers et des experts-comptables défiler !).

Cependant, une lecture plus approfondie du texte de plus de 500 pages (blabla politique : 50 pages ; corps juridique de la loi : près de 90 pages ; études d’impact : 360 pages) permet de se rendre compte à quel point ces écrits constituent un maillon supplémentaire de la chaîne qui va emprisonner les salariés, pour lesquels « droits » puis « liberté » déjà réduits disparaîtront au bout du bout.

Pour l’instant, les droits des salariés sont regroupés dans le Code du travail. Les conventions collectives nationales du travail et les accords collectifs améliorent (souvent) les droits, mais ces textes ne s’appliquent pas à tous, contrairement au bon vieux code dont il s’agit. En effet, le contrat de travail est un contrat spécifique conclu entre deux parties qui ne sont pas égalitaires : le salarié est subordonné au pouvoir de direction de l’employeur. C’est ainsi que le Code du travail protège les salariés en définissant, notamment, les règles relatives à la formation, à l’exécution et à la rupture du contrat de travail.

Le Code civil ne peut pas et ne doit pas protéger le contrat de travail (ce n’est pas un contrat classique). Mais c’est pourtant ce que souhaite Macron : que les dispositions du Code civil s’appliquent au contrat de travail. Voilà encore un coup de pioche pour enterrer le Code du travail. Bientôt, celui-ci n’aura plus lieu d’être puisque c’est le Code civil qui s’appliquera.

Par ailleurs, ce projet de loi Macron, toujours au service des employeurs, en profite pour corriger certains oublis de la précédente loi « sociale » du gouvernement Hollande (loi « sur la sécurisation de l’emploi »). Souvenez-vous de Mory Ducros (novembre 2013) : le plan social le plus important (France) depuis Moulinex (2001) avait supprimé plus de la moitié de l’effectif (2 800 licenciés sur 5 000). Ce plan a été retoqué par la cour d’appel de Versailles en juillet dernier pour plusieurs raisons, notamment parce que le périmètre retenu pour établir les critères d’ordre pour choisir les personnes à licencier était plus restreint que celui de l’entreprise (en gros, l’employeur a établi des critères pour licencier des salariés qu’il visait particulièrement, au lieu de faire la comparaison avec tous ceux de l’entreprise). 
Or l’article 98 du projet de loi vise à légaliser l’attitude du patron de Mory Ducros. Cette disposition réduirait à néant des années de construction jurisprudentielle (des décisions de juges de 1er degré, décisions de cour d’appel et décisions de Cour de cassation) qui s’est établie à force de courage et de pugnacité des salariés licenciés qui ont refusé de se laisser faire. Macron se débarrasse du droit du travail. On pourrait citer d’autres exemples outre ceux à peine développés ici, tels que la disparition proposée de la peine de prison relative au délit d’entrave syndicale, etc.

Il s’agit ici de satisfaire la demande patronale relayée par le gouvernement Hollande en la personne de Macron, qui n’est pas un inconnu du grand capital. Devenu millionnaire dans le cadre de son métier de banquier d’affaires en 2012 (il a négocié le rachat par Nestlé de Pfizer, 9 millions d’euros, il en gagne 2 à cette occasion), il est aussi l’artisan du pacte de responsabilité, du pacte de compétitivité et donc du Cice (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) – qui a doublé en 2014 1, cela dit en passant. Il a été rapporteur d’une commission « Attali 2 » commandée par Sarko en 2007 (commission pour la libération de la croissance française) de laquelle il s’inspire aujourd’hui pour son projet de loi.

En même temps, il ne fait que suivre les chemins tracés : la loi dite « sur la sécurisation de l’emploi » du 14 juin 2013 (suite à l’accord Medef/CFDT) donnant au patronat une méthode efficace pour réduire « sa masse salariale » ou la réduire à la précarité la plus totale (mobilité forcée, baisse de salaire pendant deux ans sous prétexte de crise, modification de la notion de licenciement économique, etc.).

Ainsi, les fameux accords de compétitivité commandés par Sarkozy ont été livrés, par Hollande, aux salariés sous forme d’accords sur la sécurisation de l’emploi : changement du titre et de quelques lignes par un vocabulaire « de gauche » suffisent.

Jusqu’où iront-ils ? Exactement là où nous les laisserons aller ! Nous, militants anarchistes, devons réagir et agir, informer et former. Organisons-nous pour que les centrales syndicales soient un véritable outil pour lutter contre ces politiques (de ce point de vue, ce qui se passe à la CGT et se qui se passera à FO, congrès en février, ne peut nous laisser indifférents). C’est compliqué ? C’est difficile, oui. Mais nous n’avons pas le choix. Construisons le rapport de force nécessaire pour les faire reculer. Il est urgent d’agir.

Céline

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